Résolution sur la politique européenne d’asile et d’immigration
Le Parlement des Jeunes,
Attirant l’attention sur le fait que le règlement Dublin III actuellement en vigueur, attribue, en vue d’éviter qu’une même personne dépose des demandes d’asile dans plusieurs pays, la responsabilité du traitement d’une demande d’asile au premier pays de passage du demandeur d’asile dans la majorité des cas ;
Dénonçant la déontologie de cette politique, qui crée une situation extrêmement inégalitaire parmi les Etats-membres de l’UE, en défavorisant les pays méditerranéens en raison de leur position géostratégique, et en abandonnant ces pays européens, souvent déjà les plus frappés par la crise économique, avec les problématiques et défis résultants des flux de réfugiés ou de demandeurs d’asile ;
Dénonçant la situation humanitaire catastrophique actuelle dans de nombreux camps pour demandeurs d’asile en Italie et en Grèce, les conditions de vie et le traitement des demandeurs d’asile dans le principal camp d’accueil grec ayant été jugés comme « inhumains et humiliants » par la Cour européenne des droits de l’homme en début 2011 ;
Constatant nombre de pratiques existantes et de facteurs d’influence et d’ingérences européennes dans des pays en voie de développement, tels que :
- la politique agricole européenne menée dans des pays en dehors de l’UE (dans des PVD, les subventions aux produits européens détruisent le marché des produits locaux),
- la mainmise de certains pays européens, souvent ex-colonisateurs, et d’entreprises de ces pays sur la quasi-totalité de l’infrastructure et des secteurs économiques importants des PVD (comme p. ex. le cas de la France en Centrafrique),
- le soutien, par des pays d’Europe, à des régimes dictatoriaux afin de maintenir leur influence dans les pays concernés et afin de bénéficier d’avantages économiques,
- l’exploitation des ressources naturelles dans certains PVD, ainsi que l’exploitation de la main-d’œuvre locale sans respecter le droit ou les normes internationales sociales, par certaines entreprises européennes ou multinationales au détriment de la population locale,
- la pratique de l’accaparement des terres (« land-grabbing ») par des investisseurs étrangers dans beaucoup de PVD (dans le monde entier, env. 57 mio. d’hectares de terres (1,6 fois la surface de l’Allemagne) sont vendues ou données à bail, d’après une estimation faite par la banque mondiale) aggrave la misère dans les PVD concernés,
Considérant le manque de main d’œuvre qualifiée dans plusieurs secteurs de l’économie et les difficultés liées à l’évolution démographique au Luxembourg et en Europe ;
Soulignant que contribuer au passage illégal de personnes dans un autre pays que le pays natal sans papiers ni visas et contre rémunération constitue du trafic d’êtres humains ;
Rappelant qu’Eurosur est un système de surveillance mis en place par l’Union Européenne, qui contrôle l’immigration illégale dans l’espace Schengen en provenance de la région méditerranéenne ;
Constatant des drames de réfugiés, notamment à Lampedusa, en Italie, en octobre 2013 ;
Notant qu’Eurosur opère avec l’aide de drones, de senseurs offshores, d’outils d’information et de systèmes de satellites ;
Considérant qu’Eurosur est utilisée depuis décembre 2013 dans 18 pays membres de l’UE plus la Norvège pour un coût de 240 millions d’euros jusqu’à 2020, les coûts réels étant probablement considérablement plus élevés ;
Soulignant qu’Eurosur sert aussi à l’échange d’informations entre les autorités de contrôle des frontières nationales (informations liés aux flux de migrants et aux bandes de passeurs qui organisent l’immigration illégale) en coordination avec Frontex ;
Informant qu’Eurosur est également particulièrement destinée à aider des migrants confrontés à des dangers en traversant la mer Méditerranée ;
Constatant qu’il existe un désaccord sur la question de la responsabilité pour les migrants se trouvant en route vers l’Europe (Etats nationaux ou l’UE avec Frontex ou Eurosur ) ;
Tenant compte des opinions des associations de défense des droits de l’Homme comme Pro Asyl, qui:
- ne sont pas satisfaits du système actuel à cause de l’échange d’informations entre Eurosur et les autorités des pays nord-africains, qui pourraient essayer d’empêcher que des migrants essaient de parvenir en Europe avec des conséquences néfastes pour l’avenir de ces gens, et
- questionnent aussi la nécessité d’avoir des technologies comme les drones, car la localisation des réfugiés ne pose presque jamais un problème, mais c’est la coordination entre les différents Etats et les organisations internationales comme l’OTAN qui pose problème comme on l’a vu en 2011, lorsque 62 réfugiés ont perdu leur vie, bien qu’un hélicoptère, les autorités maltaises et trois bateaux (un espagnol, un italien et un de l’OTAN) savaient la localisation géographique exacte des migrants, mais personne n’a pris la responsabilité d’agir ;
Considérant que l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats membres de l’Union européenne, plus connue sous le nom de Frontex, a été créée en octobre 2004 pour aider les Etats membres de l’Union européenne à gérer et à contrôler leurs frontières extérieures ;
Constatant que les activités de Frontex ont de nombreuses implications en matière de droits de l’Homme ;
Constatant que Frontex semble mal préparée pour l’interception de migrants en situation irrégulière, de demandeurs d’asile et de réfugiés aux frontières ou en mer, ainsi que pour les opérations de retour de migrants en situation irrégulière et de personnes déboutées du droit d’asile ;
Observant un manque de clarté quant au rôle de Frontex dans la coordination et la mise en œuvre des opérations terrestres, aériennes, maritimes et de retour menées en commun avec les Etats membres, et quant aux responsabilités en cas de violations des droits de l’Homme ou d’autres atteintes au droit international résultant des actions de l’Agence ;
Constatant aussi un manque de transparence concernant les opérations et activités de Frontex, et leurs conséquences pour les droits de l’Homme ;
Vu la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales du Conseil de l’Europe ;
Vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ;
Vu les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels ;
Vu la déclaration du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) du 12 octobre 2013 ;
Le Parlement des Jeunes
- Revendique une politique d’asile faisant preuve de solidarité inter-gouvernementale, avec notamment une répartition plus équitable des flux de demandeurs d’asile parmi les pays-membres de l’UE, en proposant l’instauration d’une agence européenne de l’asile et de l’immigration chargée de coordonner la répartition des demandeurs d’asile entre Etats membres. Sur base de statistiques agrégées au niveau européen et sur base des critères d’espace vital habitable, du nombre d’habitants et des capacités économiques, chaque Etat se verrait attribuer en pourcentage de demandeurs d’asile. Le premier pays d’accueil resterait compétent pour étudier la demande, jusqu’à ce que son pourcentage soit atteint. Les demandeurs supplémentaires seraient redirigés automatiquement vers un autre pays sur indication de l’agence européenne mentionnée ci-dessus.
- Revendique des standards minimums pour les conditions de vie dans tous les camps d’accueil pour demandeurs d’asile au sein de l’UE, ainsi qu’un contrôle régulier du respect de ces standards.
- Suggère une facilitation de la procédure ou l’instauration d’une procédure accélérée pour que des immigrants qualifiés obtiennent le droit d’entrer légalement dans un Etat membre afin de résoudre les difficultés rencontrées par les employeurs dans plusieurs secteurs de l’économie pour pourvoir aux postes vacants. A cette fin, le Parlement des Jeunes recommande en particulier i. d’assouplir les conditions fixées dans la directive 2009/50/CE sur la « carte bleue européenne », notamment :
- en allongeant la durée de validité de la « carte bleue européenne » (fixée actuellement entre 1 et 4 ans, renouvelables) ;
- en exemptant tout demandeur remplissant les autres conditions de la nécessité d’obtenir un visa ;
- en facilitant la reconnaissance des diplômes d’établissements d’enseignement officiels obtenus dans les Etats tiers ;
- en accordant aux bénéficiaires de la « carte bleue européenne » la possibilité de circuler au sein de l’UE dans les mêmes conditions que les citoyens européens, afin de favoriser la mobilité de la main d’œuvre (très) qualifiée ;
- en généralisant le niveau de salaire minimal figurant dans le contrat de travail à 1,2 fois le salaire annuel brut moyen dans l’Etat membre concerné, voire en supprimant cette condition, car d’une part toutes les professions hautement qualifiées ne sont pas toujours très bien rémunérées et d’autre part le seuil de salaire discrimine les personnes intéressées par un contrat de travail à temps partiel ;
- en supprimant le retrait automatique de la « carte bleue européenne » en cas de chômage d’une durée supérieure à 3 mois ou de chômage survenant plus d’une fois au cours de la période de validité de la carte bleue, ou, alternativement, en allongeant la durée de chômage qui engendre le retrait automatique ;
- en encadrant davantage le pouvoir discrétionnaire des Etats membres de déterminer les quotas d’étrangers pouvant bénéficier chaque année de la « carte bleue européenne », par exemple en fixant, dans un premier temps, un quota indicatif à l’échelle européenne ;
- ii. d’instaurer une « carte bleue temporaire », valable durant 3 mois, permettant aux candidats à l’immigration qui remplissent les conditions de qualification de venir dans l’UE pour chercher un poste vacant dans les secteurs souffrant d’une pénurie de main d’œuvre. Il serait souhaitable que les personnes concernées soient exemptées de la condition de ressources fixée à l’article 34(2)(5) de la loi du 29.08.2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
- de transposer dans la législation luxembourgeoise les assouplissements introduits par d’éventuels changements des règles européennes ;
- d’accélérer les procédures d’examen des demandes d’obtention d’une autorisation de séjour pour exercer un emploi ou une activité indépendante ;
- d’encourager l’accès de jeunes de pays tiers à une formation universitaire au Luxembourg et en Europe afin d’augmenter les chances des employeurs de recruter rapidement de la main d’œuvre qualifiée et également afin d’accroître le niveau de qualifications des jeunes issus d’Etats tiers, ce qui bénéficiera au développement de ces pays et réduira les risques de « pillage des cerveaux » ; et
- d’évaluer régulièrement l’impact de l’immigration de travailleurs ressortissants d’Etats tiers sur l’évolution du marché du travail et sur les systèmes de protection sociale, afin de pouvoir ajuster les quotas.
- Réclame un soutien indispensable aux pays en voie de développement afin de lutter contre l’une des sources des flux de réfugiés et réclame ainsi une aide au développement non seulement financière, mais offrant également de l’assistance technique, du savoir-faire et du conseil, pour ces pays .
- Appelle à combattre la corruption dans les pays frappés par la guerre ou des crises politiques afin d’accélérer une amélioration de la situation.
- Approuve la création du système de surveillance Eurosur, constitué par les pays membres de l ‘Union européenne et la Norvège.
- Se réjouit du fait que l’UE ait pris des dispositions en réaction aux drames de réfugiés récents en créant Eurosur.
- Se réjouit aussi, qu’Eurosur soit, entre autres, destinée à aider les migrants se trouvant dans des situations périlleuses voire mortelles en essayant de passer en Europe,afin de réduire, voire d’éviter des drames de réfugiés dans le futur.
- Critique les grands investissements dans des technologies de surveillance comme des drones ou des satellites, jugeant que ceux-ci sont disproportionnés et que les moyens utilisés seraient mieux investis dans l’intégration des réfugiés.
- Refuse l’échange d’informations avec les autorités des pays de transit, lorsqu’il existe un risque de persécution contre les candidats à l’immigration.
- Exige que le rôle d’Eurosur devienne celui d’une structure de surveillance se concentrant sur le transfert des immigrés clandestins à des structures (à terre) responsables pour leur accueil et respecte le principe qu’aucun être humain n’est illégal, de sorte que tous les immigrés clandestins soient accueillis de façon humaine sans aucune discrimination (liée au sexe, à la religion, à l’orientation sexuelle, à la nationalité, etc.).
- Invite le gouvernement luxembourgeois et les députés européens luxembourgeois à mener une politique ayant pour but que les réfugiés soient accueillis à bras ouverts et les encourage à s’engager au niveau européen pour une telle politique.
- Appelle par conséquent Frontex, l’Union européenne et les Etats membres de l’Union à instaurer un contrôle démocratique suffisant de la politique européenne d’immigration et d’asile, notamment dans les accords négociés par Frontex avec des pays tiers en matière de contrôle des frontières, d’interception et de retour.
- Demande de revoir le code Frontières Schengen pour tenir compte du fait que les Etats membres de l’Union européenne et Frontex ont des responsabilités qui dépassent la surveillance des frontières, en particulier concernant le non-refoulement, les activités de recherche et de sauvetage et d’autres interceptions en mer.
- Demande de définir clairement l’étendue de la responsabilité de Frontex et de veiller à ce que Frontex prenne ses responsabilités en matière de droits de l’Homme, tout en revendiquant des sanctions et procédures pénales lors de violations de ceux-ci.
- Demande l’instauration d’une procédure de recours pour les individus qui jugent que leurs droits ont été violés par Frontex, notamment en s’adressant à la Cour de Justice de l’Union Européenne, étant donné que Frontex opère comme agence européenne basée sur des traités européens.
- Souhaite un renforcement de la coopération entre Frontex et des organisations spécialistes des droits de l’Homme telles que le Conseil de l’Europe, le HCR, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et l’Agence des droits fondamentaux afin de superviser le travail de Frontex.
- Exhorte l’UE à modifier la Politique Agricole Commune de manière à permettre à la fois de préserver un niveau de revenus décents pour les agriculteurs européens et de ne pas porter atteinte au développement du secteur agricole dans les PVD.
- Invite les autorités nationales et européennes à s’engager, dans le cadre d’actions bilatérales et multilatérales, en faveur du développement de standards sociaux et environnementaux dans les pays qui n’en disposent pas encore, afin d’accroître le niveau de vie de leurs populations afin de réduire la nécessité d’émigrer
- Propose que les États européens établissent, en coopération avec les entreprises européennes, un code de conduite à valeur juridique contraignante qui garantisse le respect des droits de l’Homme pour faire profiter la population locale de l’activité de ces entreprises dans les PVD.
- Décide de rester actif selon le besoin.